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Deux
1Il y a des rimes dans ce monde:On les seґpare — et il freґmit.Home`re, tu eґtais aveugle.La nuit — sur tes sourcils,La nuit — ton manteau de rhapsode,La nuit — le rideau sur tes yeux.Sans cela aurais-tu seґpareґHeґle`ne et Achille?Heґle`ne. Achille. DonneDes noms plus harmonieux.Oui, le monde est construitContre le chaos, pour l’harmonie,Et pousseґ a` la division,Il tient sa vengeance,— L’infideґliteґ des femmes —Il se venge — Troie en flammes!Rhapsode aveugle: tu as gaspilleґTon treґsor comme une chose de peu.Il y a des rimes assembleґes —Dans l’autre monde. Et notreMonde s’eґcroule dans la division. MaisQu’importent les rimes? Heґle`ne, vieillis donc!...Et le meilleur des hommes d’Achaїe!Et Sparte la voluptueuse!Il n’y a que le freґmissement des myrtes,Et le sommeil de la cithare:Heґle`ne, Achille:Une paire deґpareilleґe.
2Il n’est pas eґcrit, en ce monde,Qu’un puissant s’unisse a` un puissant.Ainsi Siegfried et Brunhild, seґpareґs,Un mariage reґgleґ par le glaive,Dans la haine fraternelle de cette union— Comme des buffles! — Roc contre roc.Il a quitteґ le lit nuptial, lui, inconnu,Elle, non reconnue — elle dormait.Seґpareґs! — me me sur le lit nuptial —Seґpareґs! — me me les mains jointes —Seґpareґs! — en notre langue double —Tardive et deґsunie — voila` notre union!Mais il est une offense encorePlus ancienne: l’Amazone abattue,Comme un lion, le fils de TheґtisN’a pas rencontreґ la fille d’Are`s:Achille n’a pas rencontreґPentheґsileґe.Souviens-toi, son regard vient d’en bas —Elle regarde comme un chevalier abattu!Son regard ne descend plus de l’Olympe —L’argile! — Et pourtant il vient d’en haut!Qu’importe cette jalousie qui seuleL’occupe: gra ce a` sa femme, il tireCela des teґne`bres. Ce n’est pas eґcrit,Il n’est qu’un eґgal — face a` un eґgal...Et nous ne nous rencontrons pas.
3Dans un monde ou` chacunS’abaisse et s’exteґnue,Je sais — un seulEgale ma vertu.Dans un monde ou` tantEt plus nous seґduit,Je sais — un seulEgale mon eґnergie.Dans un monde ou` toutEst lierre, moisissure,Je sais — un seul,Toi, — dans l’absolu,Mon eґgal.
Tentative de jalousie
C a va comment, la vie, pour vous —Avec une autre — Plus simple, non?Un coup de rame, et la meґmoire aussito t,Comme la rive, au loin s’eґcarteDe moi, le a` la deґrive, (dans le cielPas dans l’eau!). Ames! Vous serezDes surs, toutes deux, vous,Les a mes, pas des amantes!C a va comment, la vie, pour vous —Avec une simple femme? SansLes diviniteґs? Vous avez deґtro neґVotre reine (vous aussi, par la` me me),C a va comment, la vie, pour vous —Les tracas — les tendresses? Et le reґveil —Comment? Et que faites-vous, malheureux,De l’immortelle vulgariteґ?«Des affrontements, puis des sursauts —C a suffit! Je trouverai ailleurs!»C a va comment, la vie, pour vous — avecN’importe qui, vous, que j’avais choisi?Plus traditionnelle, plus mangeable —La cuisine? On s’en lasse — a` qui la faute…C a va comment, la vie, pour vous — avecUn fanto me, vous, qui avez trahi le Sinaї?C a va comment, la vie, pour vous — avecL’une ou l’autre, ici ou la`? Votre moitieґ,Vous aimez? Et la honte, comme les re nes de Jupiter,Est-ce qu’elle fouette votre front?C a va comment, la vie, pour vous —La santeґ — c a va? Et le chant — comment?Et la plaie de l’immortelle conscience,Comment la matrisez-vouz, malheureux?C a va comment, la vie, pour vous — avecVotre sous-produit? Et le prix — lourd?Apre`s les marbres de Carrare, c a vaComment, la vie, pour vous — avec la camelote,Le pla tre? (Il est sculpteґ dans la masse,Dieu, et le voici reґduit en morceaux!).C a va comment, la vie, avec la cent-millie`me —Pour vous — qui avez connu Lilith!Est ce qu’elle s’use la nouveauteґD’un article de pacotille? Las des philtres,C a va comment, la vie, pour vous —Avec la femme pratique, sans sixie`meSens?Alors, te te entre les mains: heureux?Non? Dans le fond sans profondeur,Comment c a va, mon cheґri? Pire, ouComme pour moiAupre`s d’un autre?
Amour
Le yatagan? Les flammes? C’est trop! —Plus modestement, un mal, familier,Comme la paume de mains aux yeux, —Comme le nom d’un enfant —Aux le`vres.Il est vivant, le deґmonEn moi, il n’est pas mort!Dans le corps: dans une cale,En soi-me me: en prison.Le monde: — les murs.Une issue: — la hache.(Le monde — une sce ` ne, —Balbutie le comeґdien.)Le bouffon boiteux,Lui, n’a pas heґsiteґ.Dans le corps: — dans la gloire,Dans le corps: — dans une toge.Vis longtemps! Tu esVivant, — tiens a` ta vie!(Seuls les poe`tes sont dansLeurs os: — dans leur mensonge!)Non, pas de promenade pourNous, confreґrie de chantres.Dans le corps: — dans un peignoirPaternel et douillet.Nous valons mieux. DansLe coton, nous deґpeґrissons.Dans le corps: — dans une stalle,En soi-me me: — dans un four.Nous n’accumulons pas deDenreґes peґrissables.Dans le corps: — dans un mareґcage,Dans le corps: — dans un caveau.Dans le corps: — en exilExtre me. — Deґperdition!Dans le corps: — dans un myste`re,Sur les tempes: — dans l’eґtauDu masque de fer.
Petite torche
La Tour Eiffel — a` porteґe de la main!Va, a` ta main, grimpe.Mais, tous, nous l’avons vue, etAujourd’hui la voyons, et d’autres choses,Il nous parat ennuyeuxEt pas beau, votre Paris…«Russie, ma Russie, pourquoiBru ler d’un feu si clair?»
Poeme a son fils
Notre conscience — n’est pas votre conscience.Allez — Assez! — Oubliez tout, enfants,Ecrivez vous-me mes le reґcitDe vos jours et de vos passions.Loth, et sa famille de sel —C’est notre album de famille.Enfants, reґglez vous-me mes les comptesAvec la ville qu’on veut faire passer pour —Sodome. Tu n’as pas frappeґ ton fre`re —C’est clair, pour toi, mon ange!Votre pays, votre sie`cle, votre jour, votre heure,Et notre peґcheґ, notre croix, notre dispute, notreCole`re. Serreґs dans une pe`lerineD’orphelin de`s votre naissance —Cessez de prendre le deuilPour cet Eden que vous n’avez pasConnu! Et pour des fruits — que vous n’avezJamais vus. Comprenez: il est aveugle —Celui qui vous emme`ne a` l’office des mortsPour le peuple, et qui mange du pain,Et qui vous en donnera — commeC’est rapide, de Meudon au Kouban…Notre querelle — n’est pas votre querelle.Enfants, creґez vous-me mes vos propresDeґsaccords.Je te remercie, cher fide`le bureau!Tu m’as donneґ ton arbrePour devenir bureau — etTu restes — un arbre vivant!Avec ce jeu de jeunes feuillagesAu-dessus des sourcils, cette eґcorce vivante,Les larmes d’une reґsine vivante, etDes racines jusqu’au treґfonds de la terre.
Jardin
Pour cet enfer,Pour ce deґlire,Donne-moi un jardin,Pour mes vieux jours.Pour les vieilles anneґes,Pour les vieux malheurs:Le travail — les anneґes,Les sueurs — les anneґes…Pour les vieilles anneґes,Les anneґes de chien —Les bru lantes anneґes —Le frais jardin…Pour le fugitifDonne-moi ce jardin:Sans — ni — personne,Sans — ni — a me!Un jardin: ne pas marcher!Un jardin: ne pas voir!Un jardin: ne pas rire!Un jardin: ne pas se moquer!Sans aucune oreille,Donne-moi un jardin:Sans nulle odeur!Sans a me aucune!Tu diras: assez de douleur — prends ceJardin — solitaire, comme toi.(Mais tu n’y resteras pas, toi, la`!).Un jardin, solitaire, comme toi.Pour les vieux jours, ce jardin, pour moi…— Ce jardin autre? Et, peut-e tre, cet autre monde? —Donne-le-moi pour mes vieux jours —Et pour le pardon de l’a me.
Lecteurs de journaux
Le serpent souterrain glisse,Il glisse, il transporte les gens.Et chacun, — avec sonJournal (son eczeґma!).Un tic a` la ma choire,La carie des journaux.Ma cheurs de mastic!Lecteurs de journaux.Le lecteur — qui? — Un vieillard, un athle`te?Un soldat? — Ni traits, ni visages,Ni a ge. Un squelette — sans visage:Une feuille de journal!Celle dont tout Paris — , du frontJusqu’au nombril, est habilleґ.Laisse donc, jeune fille!Tu accoucheras d’un lecteurDe journaux!Ils se bal — «Il couche avec sa sur» —ancent — «Il a tueґ son pe`re!» —Ils se balancent — et se remplissentDe vaniteґ.Qu’importe a` ces messieurs —L’aube ou le coucher de soleil?Des avaleurs de vide,Les lecteurs de journaux!Lire — les journaux: calomnies,Lire — les journaux: deґtournements,Dans chaque colonne — mensonges,Dans chaque colonne — deґgou t. —Avec quoi, vous preґsenterez-vous —Au Jugement dernier — dans la clarteґ —Accapareurs d’instants,Lecteurs de journaux!— Au loin! Disparu! Perdu!La peur maternelle est ancienne,Me`re! La presse de Gutenberg estPlus horrible que la poussie `re de Schwartz!Pluto t e tre au cimetie`re, — queDans une infirmerie purulente,Gratteurs de croutes,Lecteurs de journaux!Qui laisse pourrir nos filsA la fleur de l’a ge?Les incestueux e ґcrivainsPour journaux!C’est cela, amis, — que je pense —Et bien plus fortement encoreQue dans ces vers, — lorsque,Mon manuscrit a` la main,Je me trouve en face, ou pluto t— Il n’y a pas de lieu plus vide! —Devant la non-faceDu reґdacteurdes saleteґs du journal.Tu ouvres en grand tes yeux vers le ciel bleu —Et tu t’exclames: — un orage!Un audacieux passe, tu le`ves les sourcils —Et tu t’exclames: un amour!Au travers de la mousse grise des indiffeґrences —Moi, je m’exclame: — des poe`mes.
Cendres
Il s’est abattu sur la ville de Saint Vinceslas— L’incendie, ainsi, deґvore les herbes —Apre`s avoir joueґ avec les facettes de Bohe me!— La cendre, ainsi, couvre les ba timents,La tempe te de neige, ainsi, balaye les jalons…De l’Eden — Tche`ques, dites-le! —Que reste-t-il? Des cendres.— La Peste, ainsi, reґjouit les cimetie`res!
2Il s’est abattu sur la ville de Saint Vinceslas— L’incendie, ainsi, deґvore les herbes —Une deґcision — c’est votre dernier deґlai:— L’eau, ainsi, s’approche des fene tres,La cendre, ainsi, couvre les ba timents…Par-dessus les ponts et les placesPleure, il pleure le lion biceґphale…— La Peste, ainsi, reґjouit les cimetie`res!
3Il s’est abattu sur la ville de Saint Vinceslas— L’incendie, ainsi, deґvore les herbes —L’eґtouffement, sans freґmir— La cendre, ainsi, couvre les ba timents:Faites signe, a mes vivantes! PragueAujourd’hui plus deґserte que Pompeґi:Un pas, un bruit — nous cherchons en vain…— La Peste, ainsi, reґjouit les cimetie`res!
A l’allemagne